Si vous cherchez aujourd’hui une Abbaye près du moulin qui lui doit son nom, vous ne verrez rien qui ressemble à un cloître ou à des vestiges religieux. Et pourtant, quelques pierres taillées dans un mur rappellent une histoire encore écrite dans les livres d’archives.
L’histoire commence quand des moines bénédictins viennent s’installer dans ce vallon, près de la source d’un ruisseau pour y fonder un monastère.
C’est en 1133 que nait l’Abbaye de Lieu Croissant sous la protection de l’ordre de Cîteaux, avec pour charte de fondation » Que ce lieu s’accroisse toujours en l’honneur de Marie « .
De nombreux nobles donataires permirent à l’Abbaye d’étendre son influence, en particulier les seigneurs Thiébaud de Neufchâtel dont les sépultures se trouvent à l’Abbaye.
C’est vers 1163, que l’histoire se mélange avec la légende des rois mages.
A cette période l’empereur germanique Frédéric Barberousse, envahit l’Italie pour raser Milan, il décida de transporter les reliques des rois mages jusqu’à Cologne. En passant dans l’actuelle région le convoi fut accueilli par les religieux qui reçurent en souvenir de leur hospitalité, la moitié de l’un des pouces des mages. Le lieu devint à l’origine de nombreux pèlerinages populaires en particulier le jour de l’Epiphanie. Elle s’appellera alors l’Abbaye des Trois Rois.
Ce sont 59 abbés qui se succèderont au cours de sa vie, traversant les guerres nombreuses, dans une région où les conflits seigneuriaux et la peste ont fait des ravages.
Détruite et brulée de nombreuses fois en particulier en 1637, l’Abbaye fut reconstruite en 1658 alors que la Franche-Comté devient française.
Au 18ème siècle, le domaine n’a plus vraiment l’image d’un lieu religieux, mais les chanoines sont des trésoriers qui imposent des redevances à la population.
Le 22 juillet 1789, 1200 personnes des villages environnants assiègent l’Abbaye, pour la piller. Transformée un temps en hôpital militaire, elle fut démolie pour finir en carrière de pierre.
Les quelques vestiges existant encore aujourd’hui sont disséminés dans des églises autour de l’Isle sur le Doubs.
Le moulin est situé à environ 500 mètres de l’ancienne Abbaye, les premières traces écrites datent 1329, où il est mentionné dans un parchemin.
Celui-ci a très certainement été détruit en 1637, lors de l’attaque de Grancey, puis reconstruit.
A la révolution le moulin est vendu dans les biens nationaux, et plusieurs propriétaires se succèdent. Au mois d’avril 1847, un bail est fait à Pouthier Pierre Antoine et Gauthier Marie dans lequel on connait l’équipement du moulin fait de trois paires de meules et d’une ribe.
Depuis ce jour, le moulin restera exploité par la famille Pouthier. Quelques années plus tard en 1864, le bâtiment est acheté pour l’un des fils Jean-François.
Depuis chaque génération a laissé une trace, souvent en modifiant les bâtiments et les installations meunières. En 1901, avec Joseph, le premier appareil à cylindres remplace les meules.
En 1914, Henri aide sa mère à faire tourner l’entreprise. Avec le commencement du 20ème siècle c’est le début de la mécanisation avec le transport automobile, et les nouvelles machines. C’est l’époque du début du commerce avec les artisans boulangers, et la perte de l’échange blé/farine avec les paysans.
La roue laisse la place à la turbine sur la chute d’eau du ruisseau, puis dans les années 1950 le moulin est électrifié, Jacques reprend l’entreprise.
Depuis les années 65 avec le développement agricole, le blé est produit suffisamment dans la région, le meunier devient collecteur en stockant la céréale en silo.
Avec la fin du 20ème siècle, les modes de consommation alimentaire et l’évolution du travail du monde moderne modifient sensiblement l’activité de la meunerie.